En mai, fais ce qu’il te plaît. Ce dicton vieux comme Hérode (comme cette expression d’ailleurs) me donne le droit de faire ce que je veux par ici. Alors, après plusieurs escapades, j’ai eu envie de vous parler à nouveau de lecture. C’est une de mes occupations favorites et ces derniers mois, j’ai eu le temps de m’y adonner sans retenue. Le début du mois de mai n’y a pas échappé. Oui, je dis bien « le début du mois », parce que depuis quelques jours, je ne trouve pas LE livre dans lequel me plonger irrémédiablement… Il y a des moments comme ça…

Trêve de bavardages ! aujourd’hui, je vais vous parler de trois livres que j’ai dévorés ce mois-ci et que j’ai adorés. Je vais commencer avec un roman que j’ai depuis un certain temps dans ma bibliothèque : La Péninsule aux 24 saisons.

Une ode à la nature

C’est après avoir lu La Papeterie Tsubaki de Ogawa Ito – une véritable pépite, mais ce n’est pas notre propos – que j’ai dressé toute une liste de romans japonais. Et dans cette liste, La Péninsule aux 24 saisons de Inaba Mayumi.

Si vous n’avez jamais lu de roman japonais, ne vous attendez surtout pas à une intrigue à 100 à l’heure et à de l’action. Un roman japonais, c’est lent, c’est doux, c’est poétique (en tout cas, pour ceux que je possède). La Péninsule, c’est tout ça à la fois. Dans ce joli roman, qui se lit à l’ombre dans le jardin, au calme, une femme se redécouvre loin de Tokyo. Elle vit au rythme de la nature :

À la manière d’un jardinier observant scrupuleusement son almanach, elle se laisse purifier par le vent, prépare des confitures de fraises des bois, compose des haïkus dans l’attente des lucioles de l’été, sillonne la forêt, attentive aux présences invisibles, et regarde la neige danser.

Dans ce roman, le lecteur rencontre les voisins de cette femme : Kakoyo et son mari, des apiculteurs qui ont, eux aussi, quitté la grande ville, monsieur Tachibana, un artisan, ou bien encore les Kuga, qui viennent de s’installer dans la péninsule. Autant de rencontres qui rythment la vie tranquille de l’héroïne.

Et ces 24 saisons ? C’est monsieur Tachibana qui en donne l’explication : « Avec ce système, on sait tout de suite quand telle ou telle plante fait son apparition. » Ce roman est une véritable ode à la nature. On la voit se réveiller sous les yeux du personnage, on sent le parfum des fleurs et on aimerait passer de longs moments sur le pont Yukio.

Pour finir, ce roman, c’est aussi une réflexion sur la place de l’homme dans la nature. C’est encore monsieur Tachibana qui nous fait réfléchir à ce sujet : « On parle souvent de ce qu’on gagne à développer ses cinq sens, n’est-ce pas ? Eh bien, moi, ces derniers temps, je me demande si, en fait de cinq sens, l’homme n’en possède pas plutôt vingt-quatre ! […] Pour vous donner un exemple, il y a par ici beaucoup de paulownias et de châtaigniers, eh bien, d’ici une quinzaine de jours, on pourra différencier l’odeur de fleurs. »

Un voyage spirituel

Je poursuis ma sélection du mois de mai avec ce livre génialissime, signé Jean-Christophe Rufin. C’est le premier livre que je lis de cet auteur, mais j’ai déjà très envie d’en lire d’autres. Ça tombe plutôt bien, ma maman en a plusieurs à la maison. Je n’aurais plus qu’à faire un choix.

Dans cette autobiographie, intitulée Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi, Rufin emmène son lecteur à ses côtés. En effet, l’écriture donne l’impression d’un ami qui vous raconte son périple sur le fameux chemin de Compostelle. Entre réflexion spirituelle, humour et portraits, ce livre ne se lit pas, il se dévore ! Des portraits, il y en a… De l’Autrichienne entreprenante à l’Allemand qui joint les étapes du chemin en taxi, en passant par l’épicière espagnole qui veut à tout prix garder Rufin dans son auberge, le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Et en même temps, c’est une description réaliste de ce voyage, spirituel pour les uns, « pour la gloire » pour les autres.

Alors, devant mes yeux dessillés, les Asturies déployèrent tous leurs charmes. Ce fut, pendant ces jours merveilleux, une pavane interminable de vallées sauvages et de crêtes somptueuses, de villages inviolés et de chemins tracés comme des caresses divines au flanc des montagnes.

Ce furent des heures vertes comme les pâturages d’altitude et des nuits bleues comme le ciel d’acier qui recouvrait ces paysages. La pureté des sources qui désaltèrent au moment où l’on a soif, le moelleux blond des pains de village, la douceur troublante du vent qui glisse ses doigts dans la chevelure raidie de poussière du marcheur, tout est entré en moi avec force, sans la médiation d’une pensée, sans l’ombre d’un sentiment, d’une impatience ou d’un regret. (page 180)

Je ne peux que vous conseiller cette lecture, pour la plume de l’auteur, pour le voyage et le dépaysement et pour les rencontres hautes en couleur.

Mystères dans la lande

Je termine ma sélection avec un roman que j’ai déjà lu il y a plusieurs années : L’Auberge de la Jamaïque de Daphné du Maurier. Vous connaissez peut-être d’autres titres de cette auteure, comme Ma Cousine Rachel ou Rebecca. Je les ai lus aussi, mais c’est L’Auberge que j’ai eu envie de relire en premier.

Dans ce roman qui se déroule en Cornouailles (oui, bon d’accord, je suis légèrement addict…), Mary Yellan part vivre chez son oncle Joss Merlyn et sa tante Patience, à L’Auberge de la Jamaïque, au coeur de la lande. Les nuits sont marquées par des bruits mystérieux, des rencontres terrifiantes et une atmosphère lourde de menaces. En effet, dans ce roman, tout est menaçant, des murs mal entretenus de l’auberge à l’oncle de Mary, cet ivrogne à la tête d’un vaste trafic. Eh oui, c’est la belle époque de la contre-bande sur les côtes anglaises, quand les naufrageurs piègent les navires pour qu’ils échouent dans les criques, afin de récupérer les marchandises pour les revendre… Quand Mary comprend ce que trame son oncle, sa vie est en danger… Mais peut-elle faire confiance à ceux qui l’aident ?

En relisant ce roman (que j’ai adoré !), j’ai fait une belle redécouverte. Je ne me souvenais pas de tout, alors c’était comme si je le lisais pour la première fois…

Elle attendit jusqu’à ce qu’elle perçût un bruit de pas dans l’escalier. Elle entendit son oncle se parler à lui-même et, à son grand soulagement, il s’éloigna et prit l’autre couloir, à gauche de l’escalier. Une porte se ferma au loin et le silence se fit. Elle décida de ne plus attendre. Si elle passait une nuit sous ce toit, son courage l’abandonnerait et elle serait perdue. Perdue et folle, et brisée, comme tante Patience. Elle ouvrit la porte et se glissa dans le couloir. Elle marcha sur la pointe des pieds jusqu’à l’escalier. Elle s’arrêta et écouta… (page 47)

C’est sur ce petit teasing de L’Auberge de la Jamaïque, que je conclus cet article. J’espère qu’il vous a plu. N’hésitez pas à me dire, dans les commentaires, si vous vous laisseriez tenter par un des trois livres dont je vous ai parlé et à me donner des idées de lecture.

À bientôt !

Quand on arrive à la fin du mois de mai, plantes et arbres se mettent à pousser d’un seul coup. (La Péninsule aux 24 saisons, Inaba Mayumi)